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News & Events Maroc/ Foncier agricole: Les investisseurs étrangers piégés par la loi
Maroc/ Foncier agricole: Les investisseurs étrangers piégés par la loi
Maroc/ Foncier agricole: Les investisseurs étrangers piégés par la loi
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Date: 6 août 2019

Source: L'Economiste

Par: Hassan EL ARIF

La vente de terres agricoles leur est interdite sauf en cas de dérogation

Beaucoup n’arrivent pas à concrétiser leurs projets faute de financement

L’Etat n’a pas de budget pour procéder à l’expropriation

Le système des dérogations accordées aux investisseurs étrangers qui souhaitent réaliser des projets sur des terres agricoles montre ses limites. En effet, conformément à la loi, au Maroc, il est interdit de vendre du foncier en milieu rural aux étrangers et aux sociétés dont le capital est détenu par des étrangers. Sauf qu’ils peuvent toujours bénéficier d’une dérogation leur permettant d’acheter un terrain à condition d’y réaliser un projet d’envergure. Il s’agit de l’attestation de vocation non agricole (AVNA).

La procédure passe par l’établissement et la signature d’un compromis de vente devant le notaire portant sur une propriété située entièrement ou partiellement hors du périmètre urbain. L’investisseur étranger doit ensuite déposer auprès du CRI local un dossier composé d’une demande type, d’un formulaire, un plan architectural, une note de présentation du projet, éventuellement un business plan… Après examen préalable par le CRI, le dossier complet est envoyé dans un délai maximum de trois jours au département ministériel concerné. Il est ensuite examiné par la commission locale d’investissement présidée par le gouverneur. Plusieurs vérifications sont effectuées avant l’attribution d’une attestation de vacation non agricole provisoire.

Ce document permet à l’investisseur étranger de procéder à l’achat du terrain, sauf que cette acquisition ne sera définitive que lorsque le projet aura été intégralement réalisé. Ce n’est qu’à cette condition que la vocation non agricole sera définitivement confirmée. D’ailleurs, le certificat de propriété délivré par l’Agence de la conservation foncière mentionne clairement une clause résolutoire et l’obligation d’obtenir une attestation définitive de vocation non agricole.

En attendant, le terrain ne peut donc être ni revendu ni loué. Il reste la propriété exclusive de l’investisseur étranger. Pourtant, la valeur vénale du terrain augmente par rapport à la configuration de départ: en fonction du projet, la commission peut accorder un coefficient d’occupation du sol majoré (8% par exemple au lieu de 2,5%).

Sur le terrain, beaucoup de projets ne voient jamais le jour. L’on peut parfois remarquer une simple clôture ou un bureau de vente déserté. «Nous estimons à plus de 60% le nombre de projets dans cette situation dans la plupart des cas pour des raisons financières. Certains projets n’ont jamais démarré. Dans certains cas, la situation perdure depuis plus de 20 ans», indique Mohamadi Rachdi El Yacoubi, président de la Commission investissement et compétitivité au sein de la CGEM Marrakech-Safi.

Par le passé, certains investisseurs étrangers recouraient à la vente de parts sociales à des partenaires étrangers ou exceptionnellement nationaux. Un subterfuge qui a finalement été interdit par les pouvoirs publics tout comme la cession des terrains pour éviter la spéculation.

A noter que le déclassement du foncier rural est possible pour tous types de projets à l’exception de l’immobilier. Sont tout de même tolérés, dans une logique de péréquation, les projets mixtes comprenant une composante touristique et immobilière.
Le phénomène sévit dans la périphérie rurale des principales villes du Maroc, en particulier Marrakech, Tanger, Rabat, Sidi Rahal dans la banlieue de Casablanca…

Auparavant, pour qu’un étranger puisse réaliser un projet sur du foncier rural, il lui fallait demander une autorisation à plusieurs ministères ainsi qu’aux Eaux et Forêts. Depuis peu, la procédure a été assouplie puisque les CRI jouent le rôle de guichets uniques dans leurs régions respectives.

En principe, la loi prévoit que dans le cas où cette catégorie de projet ne serait pas réalisée, l’Etat doit procéder à l’évaluation du foncier et à son expropriation. Une procédure jamais enclenchée faute de budget. Par conséquent, de nombreux terrains se trouvent bloqués et ne peuvent être revendus.

                                                                          

Comment améliorer le dispositif

«Avant d’accorder une attestation de vocation non agricole à un investisseur étranger, les autorités devraient s’assurer qu’il dispose de moyens financiers suffisants pour réaliser intégralement son projet. Ce qui lui permettrait d’éviter de s’engager dans une procédure qui risque de ne pas être menée à terme», recommande Mohamadi Rachdi El Yacoubi, président de la Commission investissement et compétitivité au sein de la CGEM Marrakech-Safi.

Il suggère également que les pouvoirs publics «privilégient la voie normale qui consiste à ouvrir des espaces d’urbanisation conformes aux SDAU (Ndlr schéma directeur d’aménagement urbain) de telle sorte que les investisseurs puissent accéder à un foncier viabilisé prêt à accueillir les investissements».

Pour un développement harmonieux, les pouvoirs publics devraient veiller à ce que les projets soient regroupés dans un même secteur afin de réduire les coûts d’équipement et des services publics (eau, électricité, assainissement, ramassage des ordures, télécommunication…). Une vision qui permettrait de développer l’arrière-pays qui présente d’importantes opportunités d’investissement.

De nombreux étrangers arrivent à contourner le dispositif en construisant une pseudo-maison d’hôtes qui se révèle être en fait une résidence secondaire. Depuis quelque temps, les attestations de vocation non agricole pour habitation ne sont plus accordées.

A supposer que les pouvoirs publics modifient la loi, il restera à trouver une issue de sortie à ces dizaines, voire centaines d’investisseurs qui n’ont toujours pas pu réaliser leurs projets.