Date: 12 janvier 2017
Source: Sud Quotidien
Par Chérif Faye
Les litiges fonciers sont récurrents au Sénégal et sont le plus souvent facteurs de violences et de cas de décès. Si ce ne sont pas des villages qui s’affrontent ou se regardent en chiens de faïence pour se disputer des limites territoriales, ou des autochtones qui s’opposent à l’implantation de riches conquérants fonciers, de barons politiques ou de potentats privés, c’est quelquefois l’Etat qui exerce sa violence, dans sa prérogative d’imposer sa légitimité.
Le Sénégal est assez souvent le théâtre de nombreux conflits fonciers nés de la méconnaissance des textes, mais aussi de la non-application de la loi n°64-46 du 17 juin 1964 relative au Domaine national. Ce fut le cas le mercredi 26 octobre 2011 à Fanaye où deux personnes avaient trouvé la mort et 21 autres blessées en s’opposant à la décision du Conseil rural de Fanaye, alors dirigé par Karasse Kane, qui avait attribué 20.000 hectares de terres en septembre 2011 à la firme Italienne Tampieri Financial Group associée à des Sénégalais, au sein d’une société de droit sénégalais nommée Senethanol et d’une autre dite Senhuile S.A, pour la production de biocarburants.
C’était seulement après le drame que le gouvernement, par la voix du Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye, avait ordonné la suspension de l’affectation des terres à ladite société. Avant de filer la patate chaude aux populations de la réserve du Ndiael. La commune rurale de Mbane sera également perturbée par l’affectation de plus de 1000 hectares à l’entreprise Senegindia. Les populations s’étaient opposées à l’extension d’autres hectares au profit de cette entreprise qui risquait de les déguerpir des terres de leurs ancêtres.
Le dimanche 7 dernier, les jeunes des villages d’Effisao et de Loudia Diola, dans la commune de Mlomp, dans le département d’Oussouye, en Casamane en étaient venus aux mains, à la suite d’un litige foncier. Le bilan de l’affrontement avait fait 5 blessés, dont 1 grièvement qui avait été évacué à l’hôpital régional de Ziguinchor. Dans un passé plus récent, un autre différent foncier avait opposé les communes de Téssékéré, dans le département de Linguère et Fanaye, dans le département de Podor. Elles se disputaient le village de Gandirel dont chacun des deux maires estime qu’il est situé dans sa circonscription communale.
Ça suffit ! Il y a trop de violences et de décès liés au foncier. De grâce, épargnez-nous en, s’il vous plaît Monsieur le président de la République, en accélérant la Réforme. L’Etat a la responsabilité de sécuriser les terres, mais aussi les citoyens. La réforme foncière entamée avec la mise en place d’une Commission nationale de réforme foncière (CNRF) avait suscité beaucoup d’espoir, avec plusieurs concertations faites avec la société civile. Pr Moustapha Sourang, président de la CNRF, avait estimé le 3 juin dernier, faisant le bilan de son institution, qu’il suffit tout simplement de réformer pour corriger les déséquilibres existants.
Le jeudi 24 mars 2016, à l’occasion de la rentrée solennelle de l’Académie nationale des Sciences du Sénégal, le président de la République, Macky Sall, avait prévenu que la gestion des terres du Domaine national ne sera jamais transférée aux collectivités locales, au risque de se retrouver avec un Sénégal sans terres. Une déclaration qui avait rassuré la société civile sénégalaise soucieuse de préserver l’agriculture familiale menacée par les investissements de firmes étrangères. Même si on peut douter de la mise en œuvre de la réforme au cours de ce premier mandat du président Macky Sall.