Date : 20 octobre 2017
Source : Farmlandgrab
Par : Laurence Estival
Au Mozambique, des entreprises de l’agrobusiness, impliquées dans le projet ProSavana, font passer leurs intérêts avant ceux des communautés. Erika Mendes, chargée de plaidoyer à Justiça Ambiental, organisation partenaire du CCFD-Terre Solidaire, sera présente à Genève du 23 au 27 octobre 2017 pour défendre un traité onusien contre l’impunité des multinationales. Elle nous livre son témoignage en avant-première.
Le projet ProSavana a été lancé en 2009 par les gouvernements du Mozambique, du Brésil et du Japon. Il a été présenté comme un moyen de moderniser l’agriculture au Mozambique. Pourtant, quelques années plus tard, les violations des droits humains sont nombreuses.
Expropriations et pollution
Financé par le Brésil et le Japon, ce projet doit se déployer le long du « Corridor de Nacala » dans le centre et le nord du pays. Dans cette région vivent de nombreuses communautés de paysans, soit 4 millions de familles, qui pratiquent l’agriculture familiale. L’arrivée d’investisseurs souhaitant développer l’agriculture industrielle suscite de nombreuses craintes. Les paysans ont peur d’être expropriés au profit de la mise en culture de parcelles dédiées à la monoculture. Pour la plupart d’entre eux, une expropriation les priverait de moyens d’existence.
Le processus a déjà commencé dans la province de Nampula. L’usage intensif des pesticides et fertilisants chimiques a parallèlement entraîné la pollution des ressources en eau et une dégradation des sols.
Opacité et absence de concertation
Face à ce problème, nous sommes confrontés au secret. Les gouvernements, ministère de l’agriculture du Mozambique en tête, ne donnent aucune information sur l’avenir des communautés ni sur la manière dont la production va être aménagée.
Il n’y a eu aucune concertation avec les paysans. Les entreprises n’hésitent pas à discréditer les ONG auprès d’eux.
En août dernier, nous avons donc soumis le cas de ce projet ProSavana devant le Tribunal permanent des peuples qui s’est tenu en Afrique du Sud.
L’objectif était de :
- mettre en évidence les violations aux droits de l’homme.
- attirer l’attention sur le comportement des entreprises du secteur de l’agrobusiness impliquées dans ProSavana qui font passer leurs intérêts avant ceux des communautés.
Sensibiliser les médias et mener des actions concertées
Le Tribunal n’ayant pas la possibilité de faire condamner les entreprises coupables, cette présentation nous a surtout permis de sensibiliser les médias et d’étudier avec d’autres organisations la façon de poursuivre notre action.
Car au cours de ces dernières années, nous nous sommes rapprochés d’organisations de la société civile japonaises et brésiliennes. Ensemble nous échangeons nos informations et étudions comment bâtir des alternatives.
Nous avons par exemple encouragé les paysans à déposer une plainte devant un comité indépendant chargé d’évaluer les demandes auprès de l’agence japonaise de coopération. Suite à des actions concertées avec des organisations partenaires, le procureur général du Brésil a ouvert une enquête. Elle vise la violation des droits des communautés par des entités nationales opérant hors des frontières et qui ne respectent pas la convention de l’OIT (Organisation internationale du travail) signé par le pays.
Pourquoi un Traité international contre les agissements des multinationales ?
Un traité international contraignant permettra de :
- faire condamner les entreprises
- et faire reconnaître le droit des victimes !
Ce serait enfin une lumière tout au bout du tunnel avec la possibilité de poursuivre les auteurs de ces violations en nous appuyant sur le droit.
Ce serait aussi un signe pour montrer aux multinationales qu’elles ne peuvent pas être au-dessus des lois. Nous sommes d’ailleurs satisfaits car dans le projet de texte soumis à Genève, les rédacteurs ont bien fait référence à la responsabilité des sociétés mères concernant les actions de leurs filiales ou de leurs sous-traitants.
Je serai à Genève du 24 au 27 octobre 2017, tout comme j’y étais l’année dernière. J’espère bien revenir chez moi avec des avancées, voire des mesures concrètes. Il est temps que les multinationales rendent des comptes !