Comprendre les inégalités femmes-hommes dans un secteur donné et concevoir des programmes soucieux d’y remédier est essentiel à la réussite des projets de développement international. Alors que l’on célèbre demain, vendredi 15 octobre, la Journée internationale de la femme rurale, Ellen Hagerman, experte des questions de parité femmes-hommes et d’inclusion sociale (GESI), nous livre son point de vue concernant le développement et l’application des principes et outils pour promouvoir la parité et l’inclusion sociale dans le domaine de la gestion des ressources en eau transfrontalières.
Étant une ardente défenseure de l’égalité des sexes, je suis ravie de profiter de la Journée internationale de la femme rurale pour vous faire découvrir certains aspects de mon travail. Le programme de Coopération pour les eaux internationales en Afrique (CIWA), un fonds d’affectation spéciale multidonateurs qui accompagne les pays riverains d’Afrique subsaharienne dans leurs efforts pour parvenir à une gestion plus durable et plus concertée des ressources en eau transfrontalières, accorde une importance fondamentale à la mise en œuvre de mesures favorisant l’inclusion sociale et la parité femmes-hommes dans les projets et échanges techniques portant sur la gestion des ressources en eau transfrontalières. Les projets et les échanges techniques de CIWA sur lesquels j’ai travaillé m’ont permis 1) de faire le point sur la manière dont les questions de parité sont prises en compte dans des projets et des réalisations spécifiques et 2) d’identifier les possibilités de cibler les activités afin d’améliorer les résultats dans ce domaine.
CIWA intervient dans un environnement très complexe. Il doit agir à tous les niveaux (institutionnel, régional et national), bien connaître la géopolitique et prendre en compte les particularités des projets, afin de faciliter la coopération entre les différents pays qui partagent une même masse d’eau (comme les rivières, les lacs et les aquifères).
Prendre conscience du rôle déterminant joué par les femmes en tant que principales utilisatrices des ressources en eau et de la manière dont les besoins et les difficultés d’approvisionnement en eau affectent leur vie quotidienne
Les femmes sont les premières consommatrices des ressources en eau, et les décisions prises dans ce domaine doivent tenir compte, à la source, des besoins et des difficultés des principaux intéressés. Les femmes devraient donc pouvoir s’exprimer et participer au processus décisionnel, mais trop souvent, elles ne sont pas entendues. Et il leur est encore plus difficile de s’imposer comme chefs de file, puisqu’elles risquent d’être victimes de harcèlement sexuel et de discrimination.
Ces douze derniers mois, CIWA a adopté une approche porteuse de changements sur la problématique femmes-hommes. Les exemples qui suivent concernent deux programmes dans lesquels CIWA a mis activement en application ces principes d’inclusion de parité et d’inclusion sociale :
Analyse des obstacles et des opportunités liés à la parité femmes-hommes dans la région des Grands Lacs africains
L’équipe de CIWA, en collaboration avec ses partenaires sur le terrain, a conçu un programme d’assistance technique qui vise à améliorer l’accès à l’eau salubre dans la région des Grands Lacs africains, au sud de la Corne de l’Afrique. L’équipe a convenu qu’il était nécessaire dans un premier temps de se faire une idée plus précise de l’état des connaissances sur les inégalités femmes-hommes liées à l’eau aux niveaux national et régional. Il a donc fallu entreprendre une évaluation détaillée et collecter les données nécessaires pour bien comprendre la situation de la région dans ce domaine.
Les entretiens réalisés auprès des principales parties prenantes ont permis de mieux cerner les obstacles spécifiques rencontrés par les femmes pour accéder à l’eau. L’équipe s’est également entretenue avec des représentants de la Commission du bassin du lac Victoria et des responsables de communautés d’Afrique de l’Est pour connaître la manière dont ils abordent et s’engagent à promouvoir la parité femmes-hommes. Elle s’est rendu compte de l’énorme diversité des situations et des expériences des femmes, et de l’importance de recueillir davantage d’informations sur les populations vulnérables et les difficultés spécifiques auxquelles elles sont confrontées. Ces informations serviront à la prochaine étape de l’échange technique, qui doit faciliter la préparation d’un programme à l’échelle du bassin visant à améliorer la qualité de l’eau du lac Victoria, ce qui implique de recueillir les contributions des femmes et des organisations locales.
Ouvrir la voie à la formation d’un plus grand nombre de femmes hydrogéologues au Sahel
La promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes se heurte à une forte prédominance des hommes dans les métiers du secteur de l’eau, notamment ceux d’ingénieur et d’hydrogéologue. Néanmoins, l’équipe qui travaille sur l’Initiative des eaux souterraines du Sahel, un programme d’échange technique qui vise à renforcer les connaissances et les capacités de gestion liées aux eaux souterraines dans le Sahel occidental, est déterminée à identifier les moyens de faciliter la formation d’un plus grand nombre d’hydrogéologues, hommes et femmes.
Notre tâche consistait à contacter et à consulter des experts capables d’identifier les moyens de favoriser la promotion des filles et des femmes, notamment en les aidant à accéder à l’enseignement supérieur et à acquérir une expérience sur le terrain. L’équipe a par ailleurs recensé les programmes facilitant l’inscription d’un plus grand nombre d’étudiantes dans les programmes de sciences, de technologies, d’ingénierie et de mathématiques (STEM). Au-delà des obstacles éducatifs, l’équipe s’est également penchée sur les moyens de mettre en place un environnement de travail plus favorable à l’épanouissement des candidates aux STEM et des futures hydrogéologues.
La prise en compte de la dimension de genre en Afrique subsaharienne progresse, mais beaucoup reste à faire pour concrétiser la parité femmes-hommes. Les questions du « pourquoi » et du « comment » sont aujourd’hui tout aussi cruciales. Comme en témoignent les échanges techniques de CIWA, investir rapidement du temps, des ressources et des recherches pour promouvoir la parité femmes-hommes et l’inclusion sociale peut renforcer la dynamique et les résultats du programme d’assistance technique à long terme.
Ai-Ju Huang, responsable adjointe du Programme CIWA
L’équipe a aussi entrepris d’identifier des femmes pour participer à un comité consultatif chargé de veiller à la prise en compte des questions de parité dans les différents domaines d’échange technique, et notamment d’identifier les moyens de concevoir un système d’irrigation utilisant les eaux souterraines, accessible aux femmes. Cette initiative entre dans sa deuxième année, et l’équipe entend continuer à tenir compte de la dimension de genre afin de garantir un accès plus équitable aux eaux souterraines dans le Sahel.
Ces programmes d’échanges techniques illustrent bien comment prendre en compte la dimension de genre dès les premières étapes d’un projet mais également dans l’analyse des résultats. La parité femmes-hommes est essentielle à la mission de CIWA et indispensable pour assurer un développement durable, c’est pourquoi les équipes de CIWA ne cesseront de poursuivre leurs efforts dans ce domaine.