Des leviers pour améliorer durablement la sécurité alimentaire et nutritionnelle en Haïti
Une spirale de pauvreté s’est installée dans le bassin versant de Trois Rivières en Haïti. Couplée à de nombreux chocs climatiques, écologiques et politiques, l’insécurité alimentaire et nutritionnelle s’accentue dans cette région pourtant à fort potentiel agricole. C’est dans ce contexte, et avec une approche territoriale intégrée, que le projet Pasan-Apros déploie ses activités pour inverser la tendance.
En 2015, un rapport produit par Integrated Food Security Phase Classification (IPC) montrait que 70 % de la population haïtienne était en insécurité alimentaire chronique, et 20 % de la population du Nord-Ouest et du Haut-Artibonite en insécurité alimentaire chronique sévère. Ces chiffres n’ont probablement pas évolué positivement du fait des récents chocs subis dans ces deux régions, notamment les sécheresses récurrentes (2015-2016), l’ouragan Irma (septembre 2017), le cyclone Matthew (mai 2017), de forts troubles socio-politiques, ou encore la pandémie de Covid-19.
Dans ces zones, les revenus des ménages pauvres sont très faibles et issus principalement des activités agricoles. Au niveau de la production, l’accès aux intrants (semences, plantules, fertilisants) est limité pour des questions de disponibilité, de faibles capacités monétaires et d’accès restreint au crédit par les ménages. L’accès à l’eau est également un problème majeur dans l’ensemble du bassin versant de Trois Rivières.
Pasan-Apros, un projet de renforcement de la résilience des ménages ruraux
Mené par le Gret, en partenariat avec l’Association des originaires de Grand Plaine (AOG), Action contre la faim (ACF), Protos – Join for Water et l’Organisation pour le développement rural intégré du Nord-Ouest (Odrino), le projet Pasan-Apros (pour « amélioration de la sécurité alimentaire et nutritionnelle et d’accès à la protection sociale ») cherche à améliorer la résilience des ménages du bassin versant de Trois Rivières face aux changements climatiques en renforçant la gouvernance de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, le développement durable des filières agricoles durables et la sécurisation des ressources naturelles en favorisant l’accès à un dispositif de protection sociale durable valorisant la production agricole locale.
Le projet Pasan-Apros, lancé fin 2018, s’insère dans le cadre du programme multisectoriel de sécurité alimentaire et nutritionnelle (PMSAN) mis en œuvre dans le Nord-Ouest et le Haut-Artibonite. Il est financé par l’Union européenne et par l’Agence française de développementà travers la convention programme ASANAO (Assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle en Afrique de l’Ouest et dans les Suds), qui accompagne des actions dans huit pays pour favoriser les passerelles entre agriculture et nutrition et promouvoir des systèmes alimentaires sains et durables. Le PMSAN rassemble différents acteurs du secteur de la sécurité alimentaire et nutritionnelle en Haïti par le biais de quatre ministères – celui de l’Agriculture, des Ressources naturelles et du Développement rural, celui des Affaires sociales et du Travail, celui de la Santé Publique et de la Population, celui de la Planification et de la Coopération externe – et des acteurs départementaux.
Une approche territoriale intégrée
Le projet est mis en œuvre sur six sous-bassins versants comprenant plusieurs zones agroécologiques permettant l’agriculture irriguée, l’élevage ou l’agroforesterie. Cette diversification rend ces bassins versants propices à la mise en place d’activités intégrées capable de développer des solutions répondant aux besoins alimentaires et nutritionnelles des ménages vulnérables tout en rendant disponible des produits végétaux et animaux sur une plus longue période de l’année. Pour ce faire, les équipes du projet développent une approche centrée sur les filières, en sélectionnant des produits prioritaires (manioc, arachide, banane, etc.) et en apportant un appui à chaque maillon de la chaîne.
Avec l’objectif de renforcer la production agricole et d’introduire de nouvelles cultures à haute valeur ajoutée, six champs-écoles paysans (CEP) ont été mis en place avec un focus particulier sur l’association de cultures telles que la banane et le maraîchage. En complément, un système de crédit semencier a également été créé afin d’accompagner les ménages vulnérables dans l’acquisition de semences de pois d’Angole, de maïs ou de haricot noir afin qu’ils puissent semer leur espace cultivable.
Enfin, 1 848 ménages vulnérables ont intégré un dispositif de protection sociale basé sur le transfert mensuel de coupons alimentaires, ce qui a eu un effet significatif sur la demande et la commercialisation des produits agricoles locaux au niveau des sous-bassins versants. Pour encadrer ces ventes, près de 15 accords de partenariats commerciaux ont été signés entre vendeur∙euse∙s et producteur∙trice∙s du bassin versant de Trois Rivières pour le deuxième semestre de l’année 2021.
Soutenir le développement des bassins sur le long terme
Pour accompagner cette démarche d’augmentation de la production des denrées agricoles dans le respect des normes environnementales, les équipes du projet entreprennent également des activités d’aménagement et de reforestation des six sous-bassins versants. Par exemple, au niveau du bassin versant de l’Acul, près de six hectares dénudés ont été aménagés via la plantation sur courbe de niveau de 900 plantules d’arbres fruitiers, 1 200 plantules de moringa et 2 400 plantules d’arbres forestiers. Après une évaluation réalisé un an plus tard, les observations ont confirmé la bonne adaptation des plantules à plus de 95 %. De plus, les six périmètres irrigués associés au projet seront réhabilités et redynamisés à travers des séances de formation des membres de l’association d’irrigants pour une meilleure gestion sociale de l’eau d’irrigation.
Enfin, en partenariat avec l’organisation AOG, un système de distribution et redistribution de bovins et caprins reproducteurs à destination de ménages vulnérables a été mis en place, dans l’objectif de renforcer les moyens d’existence des ménages et de développer leur épargne. Ainsi, une première distribution de 100 caprins et de 10 bovins reproducteurs de race locale a été organisée au profit des ménages vulnérables, qui à leur tour devront remettre la première portée au comité de suivi afin de permettre à d’autres ménages de profiter de ce programme. Ce comité a par ailleurs été formé afin d’assurer la continuité du système, même après la fin du projet.
Quelques impacts socio-économiques et environnementaux du projet Pasan-Apros
Grace à cette approche intégrée, tant au niveau physique qu’institutionnel, le projet Pasan-Apros a permis :
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la création ou le renforcement de liens interpersonnels et de la cohésion sociale ;
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le développement de la capacité des acteurs locaux à identifier et à analyser les problèmes auxquels leurs communautés sont confrontées dans le domaine agricole à travers l’utilisation de l’outil « arbre à problème » ;
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le renforcement de la sécurité alimentaire et nutritionnelle à travers plusieurs leviers d’actions (agroforesterie, réhabilitation des unités de stockage et de transformation des produits agricoles, filet de protection sociale et dispositif d’élevage) ;
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la conservation des ressources naturelles (protection des terres contre l’érosion souvent provoquée par les eaux de pluie, mise en place des comités de gestion des sous-bassins versants) ;
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l’augmentation des surfaces à vocation agricole via des actions visant à combattre la dégradation du sol ;
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l’augmentation de la couverture végétale à travers des travaux d’aménagements des bassins versants et d’accompagnement des ménages vulnérables pour la mise en place des parcelles végétalisées ;
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l’augmentation et la diversification des sources de revenu des ménages vulnérables grâce à plusieurs leviers d’actions (cash for work, établissement de partenariats commerciaux, redynamisation des périmètres irrigués, etc.) ;
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la réalisation d’une étude sur les filières agricoles et d’un diagnostic sur la gestion intégrée des ressources en eau (GIRE).
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Le contenu de cet article relève de la seule responsabilité du Gret et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant l’avis de l’Union européenne et de l’Agence française de développement.
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